Il paraitrait que les gens résistent au changement…. rien que pour embêter les managers qui voudraient piloter des changements…

En réalité si je vous dis que dans votre vie : rien ne bouge, tout va bien, tout est stable… vous risquez d’appeler de vos vœux un peu de mouvement, de variété.

Pourquoi ? Parce que l’être humain est fait pour le mouvement, l’énergie et la dynamique qu’il génère… Alors pourquoi lit-on, entend-on partout l’inverse ?

Pourquoi voudrait-on nous persuader que l’individu résiste naturellement et obligatoirement au changement ? Peut-être pour légitimer des carences managériales…

En réalité les gens ne résistent pas au changement, ils résistent à la brutalité managériale et c’est bien normal ! Les moutons changent de direction d’un bloc avec peu de résistance, les humains eux sont dotés d’un cerveau et d’une volonté de libre arbitre qui fait qu’on ne peut pas les manipuler aussi facilement.

Pour bien piloter un changement il faut 2 choses :

  1. Comprendre les mécanismes qu’il génère
  2. Utiliser quelques outils de management

De manière très schématique (je milite pour des posts brefs et pragmatiques 😉 ), la courbe du changement (ou deuil) formalisée par Élisabeth Kübler Ross nous enseigne 2 phases et une étape obligatoire :

1 – Une phase ÉMOTIONNELLE où ma psyché qui a estimé que le changement annoncé avait un ratio effort / apport déficitaire pour moi me protège en déclenchant des mécanismes de protection (et non de résistance) inconscients et optionnels : déni, colère, transaction.

Pour résumer avec un exemple quotidien : je fais les soldes et je convoite un costume que j’ai préalablement repéré, je me rends au magasin le premier jour à l’ouverture :

  • « Bonjour, est ce qu’il vous reste ce costume en taille 52 en noir svp ? »
  • « Ah non je suis désolé nous avons vendu le dernier hier »
  • Déni : « Ah non ne me dites pas ça c’est pas vrai ! »
  • « Si Monsieur, j’en suis désolé »
  • « Et vous n’en n’avez pas d’autres en stock ? »
  • « Non Monsieur, tout est là, je suis navré ! »
  • Colère : « Attendez, on nous rabat les oreilles avec la crise et le premier jour des soldes vous n’avez déjà plus rien, c’est scandaleux ! »
  • « Je suis désolé Monsieur, peut-être que je pourrai vous montrer … »
  • Transaction N°1 : « Vous ne voulez pas aller vérifier en réserve ? »
  • Transaction N°2 : « Bon, je vais passer le 50, si ça taille grand ça peut passer… » (au cas où j’ai miraculeusement perdu une taille dans la nuit sans m’en rendre compte)
  • Transaction N°3 : « Bon, Je vais passer le marron (même si je déteste le marron) en 52 … décidément je n’aime toujours pas le marron »

2 – Une étape obligatoire : la résignation liée à la prise de conscience que je n’échapperai pas au changement qui s’accompagne d’une baisse en énergie ponctuelle (du « coup de blues » à la dépression).

  • « Bon ben je n’aurai pas ce costume alors … » accompagné d’un sentiment de déprime totale 😉
  • C’est le moment où le vendeur me regarde avec tendresse et compassion (en se disant intérieurement : « Ah ben quand même ! »)

3 – Une phase RATIONNELLE d’intégration et d’appropriation où j’utilise mon énergie à m’inscrire dans le changement jusqu’à son intégration dans mon quotidien.

Une fois que l’on a compris ces mécanismes, on a déjà plus de tolérance pour les réactions dites de « résistances » qui sont juste celles « normales », « d’individus qui ne font que ce qu’ils peuvent avec le niveau d’énergie qu’ils ont, le management qu’ils reçoivent et les représentations qu’ils se font du changement ».

On peut ensuite en déduire des conditions de management d’un changement, et c’est précisément le respect de ces conditions qui va permettre au changement d’advenir ou au contraire provoquer un blocage.

Quand les gens « résistent » – au-delà du fait qu’ils «  prouvent qu’ils existent » – ils révèlent simplement que l’encadrement s’y prend «  comme un manche » vis-à-vis de ces fameuses conditions.

Et quelles sont-elles ? Encore une fois de manière très résumée :

1/ Une condition de sens :

Donner du sens en expliquant en quoi le changement permet de se rapprocher de la Mission et de la Vision de l’entreprise et en quoi il est cohérent avec les valeurs.

En effet le changement n’est jamais un Projet (un but) mais toujours une stratégie. Dès lors des phrases souvent entendues comme : « Nous avons un projet de déménagement » ou « Notre projet est de nous réorganiser » contiennent un contresens managérial majeur : dans les 2 cas ce qui est présenté comme un but, n’est qu’une stratégie.

 2/ Une condition de timing :

Décaler la date de l’annonce de celle où le changement est effectif pour permettre aux collaborateurs de traverser les étapes évoquées plus haut : le changement c’est « tout sauf maintenant » !

3/ Une condition de mise en énergie :

S’appuyer sur un bilan positif du passé pour donner de l’énergie aux collaborateurs avant de leur demander d’en consommer (le changement induit toujours une remise en question et donc comme évoqué plus haut une baisse d’énergie).

Communiquer sur ce qui change mais APRÈS avoir expliqué ce qui ne change pas pour rassurer les acteurs.

4/ Une condition de transparence :

Présenter un planning de déploiement avec les différentes étapes et annoncer les difficultés à venir afin de permettre aux collaborateurs de s’y préparer : le pire n’étant jamais décevant !

5/ Une condition d’adaptation du management :

Faire suivre l’annonce d’entretiens individuels avec chaque personne concernée pour accueillir son ressenti sans juger : « il ne faut pas réagir comme ça ! », ni culpabiliser : « Pourquoi vous réagissez ainsi, c’est pourtant un très beau projet !? »

Organiser des réunions d’informations régulières et développer les temps collectifs participatifs une fois l’étape de résignation passée.

6/ Une condition d’implication sur la méthode :

Faire participer les collaborateurs sur les modalités du changement pour favoriser leur appropriation.

7/ Une condition de proximité relationnelle :

Augmenter la fréquence des rituels et valoriser les efforts et les progrès en ligne avec le changement.

La lecture de ces conditions peut donner le vertige : « Il faut faire tout ça ! »

Mais quand on voit le temps perdu à faire advenir des changements « mal managés », pilotés à l’inverse de ces conditions :

  • une annonce au moment où le changement est effectif, sur la base du constat de tous les points faibles des collaborateurs, aucune écoute des ressentis, peu d’information – encore moins de valorisation – sur les étapes et aucune implication sur le comment,
  • on comprend qu’effectivement les collaborateurs « résistent »… et ils ont bien raison !
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